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Le blog de Patrick Derennes

Le blog de Patrick Derennes

il s'agit pour débuter du compte-rendu journalier d'observations naturalistes agrémentées de photos, réalisées lors d'un séjour en Espagne fin mai début juin 2005. il se développe depuis avec mes photos issues de Balades en Nature ou de Voyages.

Publié le par Patrick Derennes
Publié dans : #nature
Hello,
 
Toujours dans une phase fourmis et insectes sociaux, je suis en train de lire un bouquin fort intéressant sur : "Les Fourmis : Comportement, Organisation Sociale et Évolution", Luc Passera, Serge Aron, éd. CNRC, 2005.
 
Et en sa page 38 j'apprends, dans un des chapitres traitant de la socialité des insectes , que chez les Halictidae (des abeilles dites solitaires) :
 
"Ces petites abeilles peuvent être qualifiées de primitivement eusociales, car toutes les femelles sont susceptibles de s’accoupler et de se reproduire. Au sein d’un même genre, on rencontre des espèces pratiquant la vie solitaire et d’autres optant pour la vie eusociale avec partage de la reproduction. Parfois, la même espèce peut mener une vie solitaire ou une vie sociale, selon les conditions de l’environnement. C’est le cas d’Halictus rubicundus ou de Lasioglossum (Evylaeus) calceatum (Yanega, 1997 ; Wcislo et Danforth, 1997)."
 

[...] "L’eusocialité est atteinte lorsque trois critères biologiques sont remplis :

• l’existence d’une coopération dans les soins aux jeunes ;

• le chevauchement d’au moins deux générations d’individus, si bien que les descendants aident leurs parents pendant au moins une partie de leur vie ;

• l’existence d’une division du travail en ce qui concerne la reproduction, certaines femelles étant spécialisées dans la reproduction et d’autres femelles étant plus ou moins stériles. On observe alors un biais reproducteur entre les femelles d’un même groupe, certaines se reproduisant et d’autres peu ou pas du tout." (p. 25)

 
Je creuse un peu la lecture ci-dessus en recherchant des infos sur internet, et je lis dans un papier sur Halictus rubicundus (espèce holarctique) qu'il s'agit d'une abeille facultativement sociale démontrant un comportement solitaire dans les régions au climat frais, un comportement social dans les zones à climat plus chaud,  et un mixte de comportements sociaux et solitaires dans les environnements "marginaux". Ces variations interviennent dans certains cas au sein des différents nids d'une même population (= bourgade) ! Les femelles nichent souvent en agrégation denses de plus de 100 nids au m². Une femelle = 1 nid.
 
Que c'est inattendu ... l'abeille dite solitaire peut avoir un comportement social et variant de social à solitaire ...

 

Les abeilles Halictus rubicundus sociales ont un cycle de vie typique de nombreuses Halictes. Les femelles fécondées émergent d'hibernation tôt au printemps et commencent à creuser des nids dans le sol nu. Les femelles collectent pollen et nectar chez de nombreuses plantes, en particuliers Astéracées et Rosacées, pour garnir les cellules du nid. Un seul œuf est pondu sur la pelote de pollen et la cellule est obturée avant que ne commence la construction de la cellule suivante. 1 à 2 semaines d'inactivité suivent la création de la bourgade (1 femelle = 1 nid) avant l'émergence des premières naissances qui comportent 75 à 100% de femelles (B1). Parmi ces naissances, la plupart des femelles B1 vont rester associées à ce nid natal en tant qu'ouvrières. Il n'y a pas de preuves de subdivision des ouvrières entre gardes et butineuses.
La femelle fondatrice du nid reprend alors la ponte, sur du pollen maintenant collecté par ses filles. Les secondes naissances donnent environ à 60% de mâles et, mâles et femelles B2 agissent comme des reproducteurs. Les accouplements ont lieu sur le sol dans et autour de la bourgade. Après l'accouplement, les femelles entrent en hibernation dans quelques lieux inconnus et fondatrice, ouvrières et mâles meurent à la fin de la saison.
 
Pour les populations solitaires, la nidification s'étend de fin mai à mi juin. La femelle ne pond qu'une seule génération (B1) composée approximativement de 60 % de mâles et 40 % de femelles. La suite se déroule comme pour la seconde génération des abeilles sociales. L'absence de phase avec des ouvrières définie cette pratique de nidification comme "solitaire".
 
Si les populations de cette espèce sont capables de s'adapter aux conditions locales en ajustant le calendrier de production de reproducteurs mâles et femelles, cette espèce a le potentiel pour coloniser des environnements inaccessibles à des espèces obligatoirement sociales, et de surpasser des espèces obligatoirement solitaires dans des environnements plus favorables. La nature flexible de sa socialité a été vue comme une des sources de son actuelle distribution dans tout l'hémisphère nord (= holarctique).
 
 
Dans un autre papier on peut lire que la famille des Halictidae comporte plus de 3.500 espèces décrites et qu'approximativement 830 espèces parmi elles sont eusociales !

La diversité sociale et la flexibilité des halictides pourraient être apparue [dans l'échelle des temps] plus récemment [approximativement il y a 20-22 millions d'années] que dans les taxons eusociaux avancés tels que fourmis, termites, vespidés, abeilles mellifères, etc.[il y a plus de 65 M d'années voire plus de 80 M d'années].

 

Abeilles solitaires ... vous avez dit solitaires ?
Abeilles solitaires ... vous avez dit solitaires ?
Abeilles solitaires ... vous avez dit solitaires ?
Pour illustrer ce sujet, vous trouverez ci-dessus des images d'archives d'une Lasioglossum calceatum prises en juin 2011 (id. insectes.org).
 
Cette abeille est également socialement polymorphe, avec des abeilles sociales produisant deux nichées par an (B1 et B2) et des abeilles solitaires n'en produisant qu'une (cf. supra le cycle d'Halictus rubicundus).  
 
Lasioglossum calceatum niche socialement dans des secteurs où une espèce voisine Lasioglossum albipes est solitaire, et des femelles B1 de Lasioglossum calceatum deviennent ouvrières plus tard dans la saison (Sussex) que les naissances B1 d'Halictus rubicundus ! 
 
Si j'ai bien compris, l'enjeu de toutes ces études est d'essayer de déterminer si la sélection naturelle sociale/solitaire se fait génétiquement ou sous la pression de l'environnement et si elle s'exerce au niveau des gènes, des individus ou des groupes ...

 

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